samedi 25 octobre 2014

http://www.tournages-alsace.org/
Voilà l’heure de l’épreuve de vérité. Loin d’être simple, cette phase de construction du film est évidemment la plus décisive. Elle est pour l’équipe un mélange paradoxal de travail artistique, de discipline et de contraintes pratiques.
© BAT ACA - Glenn HandleyDifficile de dresser le portrait type d’un tournage : sa durée est relative à la complexité du scénario et, sur le plateau, les jours se suivent et ne se ressemblent pas selon les séquences prévues. Pourtant, l’organisation d’une journée suit peu ou prou le même schéma.

Trois ou quatre jours avant le début du tournage, qui se déroulera par exemple dans l’appartement d’un particulier, la régie est venue récupérer les clés. Elle les a données à l' équipe de décoration qui a installé le décor. 


Le jour J, la régie arrive en premier sur les lieux pour ouvrir les décors et installer les loges. 
Puis tout le monde arrive en même temps : équipe imagemachinerieélectricitésonmise en scène,  HMC et comédiens. Chacun se stationne, décharge ses affaires, s’installe. Les équipes électricité, machinerie, image et son préparent projecteurs, micros et objectifs. Les comédiens filent au HMC, sous l’œil attentif du 3ème assistant réalisateur qui les emmène répéter dès qu’ils sont prêts, tandis que les chefs de poste se réunissent et font le point sur les plans et séquences à tourner: quels sont les axes de caméra ? Quelles sont les directions 
de lumière ? À quel moment faut-il changer les installations de place ?  Ce programme par le menu permet à chaque département d’anticiper sur l’organisation de sa journée. 

Viennent les répétitions, qui sont l’occasion pour le réalisateur de procéder à la mise en place des comédiens et de préciser l’idée de la séquence. Tout le monde ajuste ses installations en conséquence. 
Tout est prêt, on entend enfin "Silence ! Moteur ! Ça tourne… Action !" : on laisse le champ libre à ceux qui jouent, filment et prennent le son.  

Au moment d’actionner la caméra, c’est un incessant chassé-croisé entre les équipes qui s’organise. Le travail des uns et des autres intervient en effet à des moments différents et certains sont dépendants des autres pour entrer en action. C’est le cas de l’équipe son, qui ne peut réellement agir que pendant les  prises et se doit d’attendre que les électriciens aient terminé leurs installations pour savoir comment procéder au moment de la prise. Inversement, les électriciens sont à l’arrêt complet lorsque le moteur est lancé, bien obligés de ne faire aucun bruit. Entre deux plans, ils devront mettre les bouchées doubles pour réajuster une nouvelle installation lumineuse tandis que d’autres patienteront. Il en va de même pour le HMC : en ébullition le matin, afin de parer les comédiens, les habilleurs, coiffeurs et maquilleurs passent ensuite leur journée à attendre l’entre-deux prises pour éviter les faux raccords. La régie, toujours en vadrouille, est bien peu sur le plateau. Quant à l'équipe décoration, elle n’y est pas du tout –hormis l’accessoiriste- et ne travaille qu’en amont et aval des autres équipes.

© Benoit LinderOn l’aura compris, le plateau est la scène d’incessantes permutations. C’est pourtant cette disparité apparente qui permet à chacun d’être au bon endroit au bon moment, à condition que les temps d’attente ne soient pas des moments de relâche. Quelque soit son rôle, chaque technicien doit toujours être disponible et réactif. 

Pour la pause déjeuner, c’est une heure montre en main. Mais chacun s’organise selon sa masse de travail. Il n’est pas rare que les techniciens mangent en décalé pour pouvoir préparer un plan. Pour la régie, c’est toujours le cas : on ne laisse jamais un décor vide et sans surveillance. Le repas englouti, le tournage reprend de plus belle.

A la fin de la journée, la scripte remet ses rapports, l’ingénieur du son et l’assistant caméra font de même. 
On distribue les documents qui seront utiles au tournage du lendemain. Dans le meilleur des cas, le décor du lendemain est le même. Il suffit alors de ranger et nettoyer un peu. Mais bien souvent le décor change. Il faut donc démonter, vérifier, emballer tout le matériel. La régie doit tout nettoyer et quitte le plateau en dernier. L’équipe décoration devra y revenir le lendemain, voire le soir même, pour démonter le décor et rendre les lieux impeccables. 

Les plus courageux iront peut-être prendre un verre, pour terminer une journée de travail de douze heures.

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"Le cinéma est fait pour tous ceux dont la curiosité est le plus grand défaut."
Claude Lelouch


S’interroger sur la construction d’un film, c'est d'abord se débarrasser de l'image d’Epinal  selon laquelle les acteurs, baignant dans la lumière des projecteurs, sont le centre d'attention d'une équipe aux aguets. S'ils sont toujours et partout mis en avant, leurs talents dramatiques, aussi important qu'ils soient, ne sont que le résultat fugitif d'une très longue organisation. La première "magie du cinéma" est peut-être de conserver tant de mystère autour de son processus de création. Ainsi, hormis le caméraman, le perchman parfois et le fameux "Silence…ça tourne… action !" aujourd’hui consacré,  le grand public ignore tout ou presque de l'envers du décor : un travail de l'ombre, énigmatique, tortueux et exigeant. 

© BAT ACA - Woch MichelCette partie de l’E-book des tournages a été conçue pour répondre à la curiosité de tous ceux, cinéphiles débutants ou professionnels de demain, qui souhaitent en savoir plus sur les coulisses du cinéma ou en approfondir leurs connaissances.

La conception d’un film, de l’émergence de l’idée du scénariste au tirage de la copie zéro, est un long cheminement. Développement, préparation, tournage et post-production en sont les étapes majeures, demandant toutes des compétences particulières. Si chacune mérite que l’on s’y attarde, nous nous consacrons ici au tournage et aux techniciens qui le font exister. 

Avant d’entrer dans ce monde à part, quelques précisions s’imposent. En matière de tournage, il n’existe pas de règle générale ; seulement des cas particuliers : le cinéma est une industrie de prototypes. La manière de travailler dépend beaucoup du réalisateur et le budget du film influe directement sur le confort et le temps de travail des techniciens. A chaque projet son univers. Il fallait donc, pour plus de clarté et de cohérence, décider d’une trame qu’on pourrait dire « classique » : la réalisation d’un long-métrage ou d’un téléfilm de budget moyen en France. Préciser la nationalité est important, car on ne construit un film ni de la même manière, ni avec les mêmes moyens en France, en Angleterre ou aux Etats-Unis. Les postes n’y sont d’ailleurs pas les mêmes.

Pour appréhender le tournage dans sa complexité, le lecteur pourra en avoir une vision chronologique d’ensemble ou se pencher sur chaque poste de façon plus détaillée.
Car au-delà de la théorie, nous souhaitons vous faire découvrir, ressentir, l’entremêlement des différents postes, l’alchimie nécessaire à mettre en branle cette machine, l’atmosphère d’un plateau,… tissu riche, tissu social aussi, étoffé de la fibre unique que chacun y apporte.
C’est avec toute la précision possible que nous avons tenté de toucher du doigt cette matière impalpable.